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Le travestissement et la littérature #0 : quelques généralités

La définition la plus courante du travestissement est le fait de porter des vêtements, des accessoires, des symboles, des signes appartenant au genre opposé au sien. C’est un terme qui est souvent associé à la notion de déguisement. Pourtant, le sens de travestissement, notamment en littérature, ne s’attache pas qu’au genre. Il peut aussi être social, quand des maîtres et des valets échangent leur rôle, par exemple. Il s’agit donc plutôt de s’approprier une autre identité que la sienne (très souvent en changeant de genre, c’est vrai.)

Affiche de Muchat représentant Sarah Bernhardt en Lorenzaccio, 1896

Le travestissement peut générer le comique, mais aussi la transgression et subversion par son ambiguïté, notamment sexuelle. Ce que ne manquent pas d’observer, et d’exploiter, les écrivains. Comment ? C’est ce que cette rubrique vous proposera de découvrir… Mais avant d’aborder ce sujet, voici un bref historique du travestissement, essentiellement en France.

Le travestissement est souvent lié au théâtre et au monde du spectacle. C’est de là qu’il tire certaines de ses racines, que ce soit dans des pièces où les rôles s’inversent comme chez Molière ou Marivaux ou par tradition, notamment dans le théâtre anglais où les rôles de femmes sont longtemps attribués à des hommes, pour des raisons essentiellement morales.

L’abbé de Choisy en femme. Illustration publiée dans le magazine « le Musée des familles », en 1855

Au quotidien, sans la validation d’une forme de divertissement, le travestissement est loin d’être considéré avec la même indulgence. En France, il est puni par la loi en vertu du Deutéronome : « Une femme ne portera point un habillement d’homme, et un homme ne mettra point des vêtements de femme; car quiconque fait ces choses est en abomination à l’Éternel, ton Dieu. » (22.5) Dissimuler son apparence est condamnable mais cacher son genre l’est plus encore. Cependant, il existe une hiérarchie dans la perception et la condamnation du travestissement, notamment au cours des XVIIème et XVIIIème siècles. De nombreuses femmes prennent l’habit masculin pour trouver du travail ou s’engager dans l’armée, à l’instar de Jeanne d’Arc ou les pirates Mary Read et Ann Bonney. Malgré la réprobation, on considère toutefois qu’elles tentent de s’élever au-dessus de leur condition de femme et elles peuvent s’en tirer avec un simple avertissement. Les peines et sanctions encourues, en France, pour les femmes qui se travestissent vont du fouet à la pendaison, en passant par l’internement et il existe quelques cas de déportation dans les Îles. La loi est bien plus sévère pour les hommes qui se travestissent en femmes. Non seulement ils transgressent la loi divine mais ils s’avilissent aussi à endosser les habits et les attributs du sexe faible. Ils risquent donc l’internement, voire le bûcher. Hormis celui de Pierre Aymond Dumoret (qui est sans doute une femme transgenre et non un homme travesti, et qui dans tous les cas a été considéré.e comme dément.e à sa mort), les noms de travestis célèbres de l’Ancien Régime qui nous sont parvenus sont ceux de Philippe d’Orléans, l’abbé de Choisy, ou encore le chevalier d’Eon. Des hommes appartenant à la noblesse dont le statut social les protège d’éventuelles poursuites en justice. À cette époque, le travestissement d’un homme en femme n’est accepté que s’il est festif ou s’il a un lien avec le théâtre, le grotesque.

F.S Fitzgerald travesti pour The Evil Eye, pièce donnée pendant ses études à Princeton, 1916

Au XIXème siècle, période pendant laquelle on se prend très au sérieux, le travestissement disparaît de la scène. Il fait son retour aux environs de la Première Guerre mondiale, notamment dans les cafés-concerts et au music-hall. Dans les écoles anglaises et américaines traditionnellement masculines, les étudiants montent des spectacles dans lesquels ils se travestissent. Il en va de même pour les prisonniers de guerre entre 1914 et 1918. Le phénomène prend une nouvelle ampleur au cours du XXème siècle et donne naissance au Drag, héritier plus complexe du travestissement dont les performances peuvent dépasser la simple imitation d’un genre pour devenir plus politiques.

Longtemps après la fin de l’Ancien Régime, les personnes qui se travestissent sont encore souvent considérées comme des malades mentales, surtout les hommes, et ce n’est que récemment, grâce à la pop culture ou à la mode qui brouillent de plus en plus les frontières entre les genres, que leur travestissement est plus généralement accepté.

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