Parce qu’il a été écrit par Jane Austen, l’une des plus grandes autrices anglaises, qui propose des critiques plus ou moins mordantes de la société dans laquelle elle vivait. Persuasion est le dernier roman publié, de manière posthume, de Jane Austen. Elle l’a rédigé peu avant sa mort et on peut supposer qu’elle n’a pas adouci l’ironie et la moquerie dont elle est coutumière dans ses œuvres. Certains passages sont, par conséquent, d’une cruauté assez amusante, à l’image de ce passage sur Richard Musgrove, tué en mer : « Et vraiment, bien que ses sœurs fissent maintenant tout ce qu’elles pouvaient pour lui en l’appelant « pauvre Richard », il n’avait jamais été mieux qu’un lourdaud sans cœur et inutile, un Dick Musgrove qui n’avait jamais rien fait, mort ou vif, pour avoir droit à autre chose que ce diminutif. »
Parce qu’il est généralement l’un des romans les plus négligés de l’autrice et pourtant, l’un des plus modernes. Le thème principal, comme son titre (donné par son frère et non par Jane Austen) l’indique, concerne la persuasion, les influences que les personnages subissent ou exercent sur les autres. Il n’est donc pas seulement question de romance mais aussi d’apprentissage : après s’être laissé dissuader de se marier à un militaire appartenant à la Marine anglaise, Anne apprend à s’affirmer et à ne plus se laisser influencer par son entourage, comme Lady Russell. Pour autant, elle ne devient pas non plus sourde aux conseils qui lui sont prodigués et Jane Austen souligne aussi qu’une trop grande inflexibilité peut pousser à prendre des décisions inconsidérées (à l’image de Louise, qui n’écoute pas le Capitaine Wentworth et chute presque mortellement).
Parce qu’il n’évoque pas la rencontre amoureuse, qui est un topos en littérature, c’est-à-dire un thème récurrent, mais la constance amoureuse et la reconquête. Ce qui porte l’intrigue, c’est de savoir si Anne Eliot est capable d’oublier le Capitaine Wentworth ou s’ils peuvent renouer des liens alors qu’ils se sont mutuellement blessés.
Parce que le personnage d’Anne Eliot est un des plus matures du monde austenien. C’est une jeune femme plus âgée que les autres héroïnes de Jane Austen – elle a vingt-huit ans – qui ne peut donc s’appuyer sur la fraîcheur de sa jeunesse et de sa beauté. Le narrateur souligne d’ailleurs à quel point cette beauté s’est fanée et c’est un personnage envers lequel il existe peu d’indulgence. Anne est toutefois intelligente, patiente, constante et responsable. Elle est consciente des défauts de son père et de ses sœurs, notamment concernant leur vanité et leur orgueil (un défaut héréditaire, semble-t-il puisqu’il est question de « l’orgueil des Eliot »). On aime souvent Elizabeth Bennett parce qu’elle a un potentiel romanesque qui pousse le lecteur à l’admirer. Face à elle, Anne Eliot peut sembler quelconque, mais c’est un personnage auquel le lecteur peut facilement s’identifier.
Parce que la lettre du Capitaine Wentworth n’a rien à envier à celle du Mr Darcy d’Orgueil et Préjugés. Dans les deux textes, la lettre est un intermédiaire qui permet aux hommes concernés de dévoiler leurs sentiments. Ils sont fiers mais font aussi preuve d’une certaine pudeur et se livrent donc plus aisément par écrit. Savourez, in english, le début de la confession de Wentworth ; « I must speak to you by such means as are within my reach. You pierce my soul. I am half agony, half hope. »
Alors, convaincus ?
Aux magiciens ès Lettres 
Toujours convaincus avec toi x) ! J’aime tes choix d’articles, et ma PAL s’allonge trop vite. Pareil que les Brontë je n’ai jamais trop lu Austen et je ne pense pas avoir lu Persuasion. Tu m’as eu à : personnage plus mature, responsable et sur une intrigue non pas basée sur une rencontre amoureuse mais sur la reconquête 😀 Ok, le petit tacle assez violent sur ce pauvre Richard m’a bien convaincue également ahaha !
L’image du manuscrit m’a frappée, j’en oublie que certains auteurs écrivaient ainsi et non à la machine 😮 C’est impressionnant. Merci pour ton article en tout cas, je n’y connais pas grand chose mais ça a l’air de sortir des chemins battus et ça me plait !
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Héhé j’aime cette idée de pousser à la lecture.
J’ai profité du confinement pour le relire et c’est là, maintenant que je suis plus âgée, que je comprends mieux ce roman (même s’il a toujours fait partie de mes préférés). J’aimerais tellement en voir une adaptation au cinéma (une aussi réussie que le Orgueil et Préjugés de Joe Wright)
Le passage sur Richard est tellement violent ! C’est un des pires, pour le reste elle est moins directe mais elle n’en pense pas moins.
Les manuscrits c’est impressionnant. En plus, je me demande le nombre de copies effectuées. Nous, on balance nos manuscrits à tous les éditeurs par mail, mais là, ça demandait réflexion !
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